A poem by Rim Battal
Impedimenta
(Tchatter)
Que portes-tu ?
Qui est-ce que tu bois ?
où es-tu maintenant ?
Aji !
Je suis près de toi
près de toi toujours
maintenant
toujours
je suis à portée de main
je suis à portée de toi
je suis en toi
je te sens là
je t’appelle
tu le sens cet appel ?
je le sens oui allons plus bas ma mie,
De vous à moi : rôti, bien la broche
Do you really wanna go back in time ?
C’était si simple
Oui ça l’était !
On s’aimait comme des fous et on était beaux
oui c’était beau on était beaux
tout le monde le savait
Le point de salut on est copain, et tout, tu vois, c’est quasiment une génération entière
oui mais attends,
d’abord on se détend : c’est quoi le protocole ?
le protocole c’est qu’on s’aime
c’est tout
VU : 02:35
je vais être seul avec toi
pour quelques minutes exigües
pour toutes les années que tu nous as confisquées
rien que toi et moi je suis là
bien
très bien
je te souris
tu me souris
certes où est ton corps ?
dans le granit, l’irradiation, la pierre
ma pierre ? l’ours, la grande ours
le ciel ? Quel ciel ! À bas le ciel !
Nous sommes l’univers et toi et moi nous sommes tout
petit présomptueux nous ne sommes rien
ça revient au même ne sois pas radine
J’ai faim. Tu as ouvert l’hostilité des appétits. Prête ? Ça part :
nous avaler
nous avaler l’un l’autre, nous absorber l’un l’autre
dans la matière
nous avaler
nous boire jusqu’à la lie
nous ravaler
je suis d’airain et moi aérienne
ah ! te voilà, te revoilà petite chérie gazeuse volatile
c’est ça, bubulle
petite chérie versatile
froissement de mousseline et de tulle
mon amour compliqué, cyclothymique
mon diable juste, Woland fait femme.
Tu pourrais me dessiner ? je veux ça. Ok.
je te dessinerai sous toutes les coutures
je te dessinerai sale comme tu es
parce que je te sais moi, je te vois par coeur.
Depuis que tu es parti
je t’ai dessiné sur toutes les ordonnances
de toutes les maladies que j’ai eues de toi
j’ai tenu ma promesse
j’ai eu toutes les maladies qu’il fallait
des éruptions cutanées les fièvres inexpliquées en passant par kystes et chlamydiae tous les rhumes et toutes les grippes
aux ombres qui se sont assises sur ma poitrine
je t’ai recousu le ventre, comme un vieil oreiller
j’aimais te mettre tes piqûres car je te faisais mal
j’aimais te faire mal, je voulais
pouvoir te torturer, t’attraper la main la mettre
sous une chaise en fer forgé et m’asseoir dessus
pour que tu cries,
pour que je puisse t’entendre souffrir
oui le pire c’est ça, quand tu souffres
c’est difficile à voir alors
on a envie de te faire souffrir encore plus
rien ne se voit dans tes yeux qui ont la ruine pour poésie
j’ai presque pleuré
quand je t’ai perdu
j’ai presque devenue folle
je te perds là je le sens, je te perds là encore
loin
merde
(…)
oui
(…)
parle-moi mon aimé
je te perds, là
quelle avanie !
T’ai-je perdu encore ?
je ssiu comme un chutat
epaois
je ne veux pas te perdre
parle moi
epaitsos
continue de me parler
un chat
je te perds…
hahaha
ne pars pas…
épanoui
je suis là
heureux
avec toi
comme un chat épanoui
même si tu veux ma mort
même si j’ai bien fait de te fuir
tu es avec moi folle et chaleureuse et petite et opulente et permanente et faunesque
la fesse, ah oui, la malheureuse, la celle-qui-me-vibre
ma Madame Arnoux à moi la monumentale
ma déglinguée ma décadente ma dodécaphonique
c’est la beuverie qui importe
Bu du bushmills
Bien bu.
C’est quoi l’enjeu toi et l’autre ?
Tu l’aimes ? Tu l’aimes mon dessin ? Quelle sont tes revendications ? Quelle ligne de front tu vois ?
Quelle ligne de fuite tu suis ? Qui sont tes complices ?
Tu serais là j’aurais lu ta main.
Il est où mon dessin ?
Oui je l’aime.
J’ai aimé.
Il est très mauvais.
Montre-moi, fais-moi voir, je suis aveugle
Montre salope haha
Je peux prétendre à toi après tout, après ce dessin
Je te mérite
Tu es à moi là quand tu me dessines, tu me dessines et c’est moi qui te possède
Existes-tu ? Qui sont tes complices ?
Je vais me faire exister par des coups de fouets
Je vais te l’offrir le fouet, je vais t’offrir l’Ouest tous les points cardinaux et toute ma constitution
car de toi je veux pleurer oui je veux bien
Je veux t’appartenir par des coups de fouets
Je t’ai bien à moi
D’accord si tu insistes
Le travail attend cochonne, c’est bien gras, ma sorcière rousse
Quelle avarie !
Pardon c’est ma tournée :
Tu es l’apocalypse, peau de génisse, déesse dévêtue. Devinette.
C’était ton mot préféré, moi aussi je l’aimais
Devinette !
Ah oui ? Je t’en croyais incapable.
D’aimer les mots ? D’aimer ?
Mollesse-la-petite-joie
Chienne, je t’assassinerai de mes propres mains, je suis patient car je sais, c’est moi ta fin
“avant ce soir, jamais je n’avais été mêlé à une affaire de terrorisme en banlieue parisienne”
Voilà alors écoute je t’aime fillette je file
Comme toujours quand je file
Je te quitte, tu m’entends, tu as l’habitude, non ?
Je reviendrai comme tous les fois
Je reviendrai car je suis ta fin
J’ai des choses à faire
de l’argent à gagner pour que tu m’aimes
car ça au moins je suis sûr que tu l’aimes l’argent
je te quitte, tu m’entends ?
je te quitte encore une fois
Tu as l’habitude je te quitte encore une fois ne t’inquiète pas ce ne sera pas la dernière fois je reviendrai comme toujours drôle d’histoire continuer jusqu’à quand comme ça quatre-vingts ans on va finir comme dans les films petits vieux de rides et d’arthroses main dans la main sur un lit de campagne qui sent la lavande on ne ressemblera plus à rien et il n’y aura plus que toi pour me trouver belle et moi pour te trouver beau car nous et nous seuls saurons à ce moment-là la vérité et toutes les fois où tu m’as prise contre l’évier pendant que je lavais la salade de ton sexe admirable et ta langue habile et parfaite et toutes les fois où je t’ai montré ma chatte dans les bars et mes seins qui me dépassent et ma bouche que tu sais qu’elle fait ça bien les meilleures de la ville même et eux tous eux ne verront que deux tas de rides et d’arthroses et de taches de mauvaises peaux deux vieux râleurs et laids qui sentent l’alcool la vieille vessie la prostate rassie et l’utérus qui racle le sol.
Oui il y a des chances.
Prenons-les. Toutes.
Non. Ne te dérobe pas
Je sens l’urgence dans tes petits pas
Ne fais pas d’erreur
pas cette fois
Je porterai ta robe sur l’échafaud
ne sois pas aveugle merde
tu l’es bien toi
ne sois pas daltonienne
ni rouge, ne sois pas droite !
Je veux dire, ne sois pas gauche !
Très bien, fillette, on fera encore appel à toi
madame-je-me-retire à la campagne
D’accord mais ce sera une erreur
tu aimes les erreurs, ha!
Tu es un homme-erreur
je suis l’homme-jambon.
Ça existe. Je t’assure.
Et c’est très bon.
(hahaha)
Je te quitte encore une fois
Je m’en doutais un peu j’ai l’habitude
J’essuie tes larmes
J’essuie mes larmes
Je m’en vais
Je reste là avec toi
Mon impudent
Mon impedimenta
From: Rim Battal: Latex, ed. LansKine (2017)
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